L'historien des civilisations allemand W. Shivelbusch constate depuis le Moyen Age européen d'abord un essor dans l'usage du poivre. Par la suite, avec les croisades, d'autres épices commencent à gagner l'Europe. C'est aussi la période où l'usage des aliments redevient - après la chute de la civilisation romaine - un élément particulièrement important dans ce que P. Bourdieu appelle " le jeu de la distinction ". En outre, les épices venues de l'Orient sont considérées comme porteuses d'un parfum venant directement du paradis, sans pour autant oublier les effets aphrodisiaques attribués à certains condiments. La littérature médiévale en témoigne, comme par exemple La Chanson de Roland ou les corps de barons tombés subissent un traitement particulier : " Ben sunt lavez de piment e de vin ".. Tout cela fait que les épices deviennent une marchandise précieuse. Autrement dit, le commerce avec les épices est un des piliers du processus de mondialisation qui qui marque l'avènement de la modernité. Cela n'empêche pas que la luxure reste condamnée par les autorités théologiques (cf. Saint Bernard). Au 18e s., Rousseau voit dans l'usage des condiments une dénaturation du goût. Le 19e s. continue à identifier les épices comme faisant partie d'une civilisation aliénante (J. F. Copper, Melville). Devenues moins chers, les épices servent aussi à cacher la vraie qualité des aliments. En revanche, dans un sens métaphorique, elles expriment à la fois l'exotisme et le culte de la nouveauté. Autres auteurs cités : Goethe, Huysmans, Kant, Nietzsche, Zola.